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La (bonne) représentation :
clé d’émancipation ?

Plus de 67 % des Français.e.s déclarent avoir des complexes. Un chiffre conséquent qui nous interroge sur le caractère intime de ces souffrances. Et si le problème venait du manque de représentation dans l’espace public et médiatique ?

Une question déjà posée par des militant.e.s féministes et antiracistes mais qui crée encore le débat dans notre société. En effet, nombreuses sont les polémiques, avec Disney comme meilleur exemple. En confiant à Rachel Zegler et Halle Bailey, deux femmes métisses, les rôles de la “Petite Sirène” et de “Blanche-Neige” afin d’agrandir le panel de représentativité, la firme américaine a créé beaucoup de réactions. 

 

Pas question de toucher à ces films faisant partie du patrimoine occidental collectif pour une partie des réseaux sociaux ! De l’autre côté on souligne pourtant que ces films s’adressent aux jeunes et créent chez eux des constructions comme l’explique la podcasteuse Grace Ly : “l’enfant est une éponge, il est en absorption de ce que le monde lui offre. Ainsi quand on lui offre des représentations tronquées, il ne peut s’en échapper car cela affecte son image, sa confiance et ses possibilités futures”. 

 

Franco-chinoise, l'écrivaine et réalisatrice explique qu’elle n’a jamais eu de mal à s’identifier à des personnages blancs mais que le problème venait surtout des autres : “je ne me lève pas en me disant tiens il n’y a personne qui me ressemble. Le problème, ce sont les personnes non-asiatiques qui me renvoient cette idée et qui me disent “oh tu ressembles à Mulan, oh tu ressembles à un manga”. 

 

Il est donc important d’avoir de multiples, bonnes représentations. Surtout quand les sujets sont à la fois tabous et omniprésents. 

 

Vivre son corps sous l’égide du fantasme

 

Déjà qu’il est dur d’échapper aux diktats de la minceur, de la peau sans boutons promus par les magazines féminins, il est encore plus complexe de se sortir d’une image surtout quand elle est abordée uniquement de manière fantasmée. Prenons l’exemple de la vulve, dans un sondage Essity Intimate Survey pour la marque de protections périodiques Nana, 62 % des femmes déclarent ne pas savoir où se trouve la leur. Au-delà de cette méconnaissance, la moitié d’entre elles pensent que leur vulve n’est pas parfaite et ressentent une gêne au niveau de leurs parties intimes. Ce qui engendre beaucoup de complexes et d’actes parfois irrévocables.

Ainsi en 2015, 95 000 labiaplasties (opération qui consistent à réduire les petites lèvres) ont été réalisées dans le monde. Problème, les grandes et petites lèvres sont une barrière pour protéger le vagin, le clitoris et l'urètre. Ainsi, les réduire peut provoquer une infection. En vogue également, les vaginoplasties (réduction de la largeur de l’orifice vaginal) avec plus de 50 000 opérations en 2015. Des chirurgies coûteuses mais aussi souvent dangereuses puisqu’à l’origine parfois de brûlures vaginales, de douleurs et de cicatrices selon la FDA (Food and Drug Administration). 

 

Derrière ces complexes, il y a une image déformée du vagin par la société et de manière plus impactante la pornographie. Comme la sexologue Aurore Malet Karas l’explique : “on veut que la pénétration soit filmée et bien visible ainsi il faut que la vulve ait de petites lèvres ou pas de lèvres et qu’elle n’ait pas de poils. Il faut aussi que les jeunes hommes aient des verges qui soient longues pour qu’on voit bien les va-et-vient”. 

 

Les jeunes femmes ne sont donc pas les seules touchées par ces mauvaises représentations. “Beaucoup de jeunes garçons sont marqués par le décalage entre le corps de l’acteur et eux, je leur explique que ce sont des corps trafiqués, drogués, qui subissent des injections, que ce n’est pas la réalité et que ces acteurs sont obligés justement de passer par le porno pour avoir des rapports sexuels”, analyse Aurore Malet Karas. 

 

A l’origine de ces complexes, il y a donc des choix cinématographiques visant à offrir une vision fantasmée de la réalité, ce qui devient problématique car c’est la seule représentation. Mais au-delà de ce manque de diversité dans les images proposées, il y a parfois une réelle volonté à cacher le corps. 

 

Lorsque les institutions cachent le corps 

 

Jusqu’en 2017, le clitoris était absent des manuels scolaires. Depuis, 5 éditeurs ont décidé de mettre cet organe essentiellement dédié à la jouissance de la femme, dans leurs livres. Le sexologue Jean-Claude Picard parle d’ailleurs de “négationnisme clitoridien” pour qualifier ce manque de représentation. Une décision volontaire selon lui : “en 1920, le clitoris était très bien connu et certaines personnes ont œuvré pour qu’il disparaisse”. Ainsi, en 1960, on n’en entend plus parler malgré la Révolution sexuelle de 1968. Ce n’est que dans les années 2000 que les féministes en reparlent. 

 

Odile Fillod, chercheuse indépendante explique pour Libération l’importance de cette représentation : “Ces savoirs sont importants pour la santé sexuelle, mais aussi pour l’image de soi et la vision qu’on a des différences biologiques liées au sexe”. Elle a d’ailleurs décidé de modéliser en 3D un clitoris à taille réelle pour ensuite le proposer en accès libre sur Internet. Un geste important quand on sait, selon un rapport de l’HCE (Haut Conseil à l’Egalité), qu’un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles ont un clitoris et 83 % des collégiennes de 4ème et 3ème ignorent sa fonction.  

 

Une libération de la parole nécessaire à une juste représentation. 

Une question déjà posée par des militant.e.s féministes et antiracistes mais qui crée encore le débat dans notre société. En effet, nombreuses sont les polémiques, avec Disney comme meilleur exemple. En confiant à Rachel Zegler et Halle Bailey, deux femmes métisses, les rôles de la “Petite Sirène” et de “Blanche-Neige” afin d’agrandir le panel de représentativité, la firme américaine a créé beaucoup de réactions. 

 

Pas question de toucher à ces films faisant partie du patrimoine occidental collectif pour une partie des réseaux sociaux ! De l’autre côté on souligne pourtant que ces films s’adressent aux jeunes et créent chez eux des constructions comme l’explique la podcasteuse Grace Ly : “l’enfant est une éponge, il est en absorption de ce que le monde lui offre. Ainsi quand on lui offre des représentations tronquées, il ne peut s’en échapper car cela affecte son image, sa confiance et ses possibilités futures”. 

 

Franco-chinoise, l'écrivaine et réalisatrice explique qu’elle n’a jamais eu de mal à s’identifier à des personnages blancs mais que le problème venait surtout des autres : “je ne me lève pas en me disant tiens il n’y a personne qui me ressemble. Le problème, ce sont les personnes non-asiatiques qui me renvoient cette idée et qui me disent “oh tu ressembles à Mulan, oh tu ressembles à un manga”. 

 

Il est donc important d’avoir de multiples, bonnes représentations. Surtout quand les sujets sont à la fois tabous et omniprésents. 

 

Vivre son corps sous l’égide du fantasme

 

Déjà qu’il est dur d’échapper aux diktats de la minceur, de la peau sans boutons promus par les magazines féminins, il est encore plus complexe de se sortir d’une image surtout quand elle est abordée uniquement de manière fantasmée. Prenons l’exemple de la vulve, dans un sondage Essity Intimate Survey pour la marque de protections périodiques Nana, 62 % des femmes déclarent ne pas savoir où se trouve la leur. Au-delà de cette méconnaissance, la moitié d’entre elles pensent que leur vulve n’est pas parfaite et ressentent une gêne au niveau de leurs parties intimes. Ce qui engendre beaucoup de complexes et d’actes parfois irrévocables.

Ainsi en 2015, 95 000 labiaplasties (opération qui consistent à réduire les petites lèvres) ont été réalisées dans le monde. Problème, les grandes et petites lèvres sont une barrière pour protéger le vagin, le clitoris et l'urètre. Ainsi, les réduire peut provoquer une infection. En vogue également, les vaginoplasties (réduction de la largeur de l’orifice vaginal) avec plus de 50 000 opérations en 2015. Des chirurgies coûteuses mais aussi souvent dangereuses puisqu’à l’origine parfois de brûlures vaginales, de douleurs et de cicatrices selon la FDA (Food and Drug Administration). 

 

Derrière ces complexes, il y a une image déformée du vagin par la société et de manière plus impactante la pornographie. Comme la sexologue Aurore Malet Karas l’explique : “on veut que la pénétration soit filmée et bien visible ainsi il faut que la vulve ait de petites lèvres ou pas de lèvres et qu’elle n’ait pas de poils. Il faut aussi que les jeunes hommes aient des verges qui soient longues pour qu’on voit bien les va-et-vient”. 

 

Les jeunes femmes ne sont donc pas les seules touchées par ces mauvaises représentations. “Beaucoup de jeunes garçons sont marqués par le décalage entre le corps de l’acteur et eux, je leur explique que ce sont des corps trafiqués, drogués, qui subissent des injections, que ce n’est pas la réalité et que ces acteurs sont obligés justement de passer par le porno pour avoir des rapports sexuels”, analyse Aurore Malet Karas. 

 

A l’origine de ces complexes, il y a donc des choix cinématographiques visant à offrir une vision fantasmée de la réalité, ce qui devient problématique car c’est la seule représentation. Mais au-delà de ce manque de diversité dans les images proposées, il y a parfois une réelle volonté à cacher le corps. 

 

Lorsque les institutions cachent le corps 

 

Jusqu’en 2017, le clitoris était absent des manuels scolaires. Depuis, 5 éditeurs ont décidé de mettre cet organe essentiellement dédié à la jouissance de la femme, dans leurs livres. Le sexologue Jean-Claude Picard parle d’ailleurs de “négationnisme clitoridien” pour qualifier ce manque de représentation. Une décision volontaire selon lui : “en 1920, le clitoris était très bien connu et certaines personnes ont œuvré pour qu’il disparaisse”. Ainsi, en 1960, on n’en entend plus parler malgré la Révolution sexuelle de 1968. Ce n’est que dans les années 2000 que les féministes en reparlent. 

 

Odile Fillod, chercheuse indépendante explique pour Libération l’importance de cette représentation : “Ces savoirs sont importants pour la santé sexuelle, mais aussi pour l’image de soi et la vision qu’on a des différences biologiques liées au sexe”. Elle a d’ailleurs décidé de modéliser en 3D un clitoris à taille réelle pour ensuite le proposer en accès libre sur Internet. Un geste important quand on sait, selon un rapport de l’HCE (Haut Conseil à l’Egalité), qu’un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles ont un clitoris et 83 % des collégiennes de 4ème et 3ème ignorent sa fonction.  

 

Une libération de la parole nécessaire à une juste représentation. 

 

Parler pour se libérer

 

Autrice mais également podcasteuse, Grace Ly a créé “Ca reste en nous” pour questionner l’invisibilisation des asiatiques dans les médias. Une émission sous forme de dialogue, clé d’émancipation pour elle, où les témoignages  dépassent le cadre intime : “du moment où j’ai pu évoquer des choses qui relevaient de la souffrance, elles ont eu une existence politique”. 

 

Mona Chollet partage la même idée puisqu’elle écrit dans son livre “Beauté fatale” au sujet des Troubles de Comportement Alimentaire, “être obsédée par son poids, enchaîner les régimes, se voir plus grosse que l’on n’est, s’interdire certains aliments, révérer la minceur est un comportement féminin banal. On peut donc présumer que les accidents individuels, les dysfonctionnements psychiques ou familiaux ne sont pas les causes premières de l’anorexie, mais des éléments déclencheurs qui privent certaines femmes de leurs défenses face à des représentations et des attentes sociales subies par toutes, les faisant basculer dans la pathologie”. 

 

Elle poursuit en disant que “les anorexiques ne sont pas anormales : elles sont trop normales”. 

 

Ainsi les complexes, les souffrances et les pathologies intimes dont parlent Mona Chollet et Grace Ly (aussi différentes qu’elles soient) découlent de normes sociales trop imposantes car trop peu bousculées par d’autres représentations. Libérer la parole se révèle donc être une nécessité, voire la clé pour l’émancipation.

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