top of page

Les corps racisés sous domination médicale

De tout temps et de tout âge, la médecine a brutalisé les corps racisés. Écrasés par le poids d’une ségrégation raciale jamais disparue, on les a utilisés comme cobayes, on les a mutilés et on les a abandonnés à leur sort.

“Je suis littéralement en train de mourir”. Elle s’appelait Lashonda Hazard, elle avait 27 ans et était enceinte. Elle et son bébé ne sont décédés que quelques heures après avoir posté ce message sur son Facebook. Comme elle, les mères afro-américaines, sont 3 à 4 fois plus susceptibles de mourir en couches aux Etats-Unis selon un rapport de l’OMS. Pire encore, à New York une femme noire risque 12 fois plus de ne pas survivre à sa grossesse ou à son accouchement qu’une blanche. Entre ségrégation raciale et croyances selon lesquelles les personnes racisées seraient ou plus résistantes ou plus dociles, le résultat reste le même : les personnes non-blanches ont pour risque d’être délaissées voire mal traitées par le Saint des saints, la médecine.

 

De notre côté de l'Atlantique, on lui a même donné un petit nom : le syndrome méditerranéen. Une croyance populaire selon laquelle les personnes racisées originaires du bassin méditerranéen auraient tendance à exagérer leurs symptômes et leurs douleurs. Le résultat est simple, un traitement inadéquat de certaines pathologies quand cela concerne des personnes non-blanches, voire un abandon médical. “Oh, c’est son 5ème, ça va, on peut la laisser crier” pouvait-on lire dans un article de Clique donnant la parole à une sage-femme d’une maternité de Seine-Saint-Denis.

 

Des faits, qui ne datent malheureusement pas d’hier, comme le prouve le récit sordide de Françoise Vergès, féministe et politologue réunionnaise dans “Le ventre des femmes”. Elle revient sur une affaire de stérilisation et d’avortements forcés à Saint-Benoît, sur l’île de la Réunion. On est dans les années 60-70 au moment même où l'IVG est interdite en France. Rien qu’en 1969, le quotidien Témoignages dénombre 1018 interventions gynécologiques dont 844 avortements. Sans leur consentement évidemment.

 

Tout au long de l’histoire, les corps racisés ont été utilisés, manipulés, détruits et laissés à l’abandon par la médecine. Un état de fait qui trouve forcément son origine dans la traite négrière sur laquelle sont encore basées de nombreuses croyances. Au 19e siècle, un homme qu’on idolâtre pour la création du spéculum, encore utilisé aujourd’hui, profitait des esclaves noires pour faire ses petites expériences médicales. Plus ou moins vu comme le père de la gynécologie, James Marion Sims a notamment réalisé près de 30 opérations sur une jeune femme de 17 ans sans avoir recours à l’anesthésie. Tout ça pour perfectionner sa technique. Utilisés comme cobayes pour des premiers vaccins sans leur consentement, mal traités, disséqués après leur mort à l’image de la Vénus hottentote, les témoignages historiques sont nombreux et le chemin reste long. Mais pour avancer, il faut déjà accepter ce passé qu’on tente d’enfouir.

bottom of page